Ascenseur vers l’inconscient

Télécharger la bande annonce
BA_Le Ruban de Möbius.mpg

Bloqués entre deux étages dans l’ascenseur qui les mène chez leur psychiatre, Anna et Phil entament une discussion pour tromper leur angoisse en attendant l’arrivée des secours. Porté par un langage vivant, ce dialogue ravive événements vécus et émotions enfouies, engendrant un sentiment amoureux qui prend les deux protagonistes par surprise. Les introspections des personnages projettent efficacement l’action hors de la cabine de l’ascenseur entraînant le spectateur dans un voyage à travers la mémoire, l’espace et l’inconscient. La frontière entre le rêve et la réalité n’existe plus à l’intérieur de cet ascenseur à l’instar du ruban de Möbius qui ne possède qu’un seul bord et qu’une seule face. Des objets tirés de l’univers fantasmagorique se retrouvent de façon inopinée à l’intérieur de l’ascenseur, cristallisant respectivement les angoisses d’Anna et Phil. Comme lors d’un usage thérapeutique, les personnages s’en débarrassent en les offrant à l’autre se libérant ainsi d’un passé obscur.

Origine du projet

La création du spectacle intitulé Le ruban de Möbius est partie de l’envie d’écrire, de mettre en scène et de jouer une pièce émouvante et drôle pour deux comédiens.

À la genèse un projet, il y a la volonté de traiter avec une distanciation de certaines problématiques de notre société : l’individualisme, la difficulté de vivre ses désirs et de devenir adulte, la solitude, la recherche du bonheur, les fuites en avant, la quête de soi avec l’aide de l’autre et la volonté de se raconter.

Le genre fantastique utilisé dans ce huis-clos permet cette distanciation. Le public est en permanence dans le temps de l’hésitation. Il s’interroge sur une explication naturelle et une explication surnaturelle des événements évoqués. Mais le fantastique implique également une intégration et une identification du spectateur au monde des personnages : un souvenir, sa propre histoire, un bout de vie…

Le spectacle s’organise autour de la figure du ruban de Möbius. Elle été conçue simultanément en 1858 par le mathématicien allemand August Ferdinand Möbius et par son compatriote Johann Benedict Listing, bien que ne travaillant pas ensemble. Le nom du premier fut retenu grâce à un mémoire présenté à l’Académie des Sciences à Paris. On retrouve également les dénominations de bande, anneau ou ceinture de Möbius.

Qui n’a jamais construit un ruban de Möbius au cours de sa scolarité ? Pour ceux qui auraient séché les cours de mathématiques, voici une petite leçon de rattrapage : il suffit de découper une simple bande de papier à laquelle on applique une torsion d’un demi-tour avant de recoller ses deux extrémités. La nouvelle surface obtenue présente la particularité de ne posséder qu’un seul bord et qu’une seule face. En mathématique, on parle de surface non orientable.

Ce ruban de Möbius présente certaines propriétés curieuses notamment celle de sa coupure. Si l’on coupe le ruban en deux dans le sens de la longueur, on obtient un anneau unique, vrillé mais qui possède deux faces et deux bords distincts. Si on le recoupe dans le sens de la longueur, on obtient deux anneaux distincts, vrillés et entortillés l’un sur l’autre.

Mais le ruban de Möbius ne reste pas cantonné dans la sphère des mathématiques. Il est introduit dans la psychanalyse par Jacques Lacan, en 1962, au cours d’un séminaire sur « L’identification ». Il pose l’hypothèse que l’inconscient est structuré comme un langage. Ce dernier possède ses lois, sa syntaxe et ses caractéristiques intrinsèques. Lacan utilise le ruban de Möbius et y appuie deux lois fondamentales du signifiant : « le signifiant ne saurait se signifier lui-même » et « un signifiant représente un sujet pour un autre signifiant. Il met en évidence la suprématie du signifiant sur le signifié (contrairement à la conception de Saussure). Il affirme que le signifiant gouverne le discours et non l’inverse et que ce n’est que par lui que l’ont peut accéder au signifié et au sens.

Cette hypothèse constitue la colonne vertébrale d’un huis clos tour à tour burlesque et grave, en tous cas poétique. Quiproquos, métaphores, lapsus et actes manqués des deux personnages y prennent sens et font vivre l’espace d’un instant leurs absents, leurs aimés et leurs oubliés. Anna et Phil, à l’occasion de véritables joutes verbales mélangeant échanges et affrontements, vont permettre à chacun de faire accéder l’autre à une part inconnue et refoulée de lui-même.

Le dispositif scénique s’articule autour d’un carré de moquette grise, d’un mètre cinquante de côté, qui matérialise l’ascenseur tout en s’ouvrant vers deux nouveaux espaces qui représentent l’inconscient de chaque personnage. Ils sont peuplés de petits objets qui attendent de jouer leurs rôles. Le mur du fond de scène est recouvert d’un écran vidéo.

Le choix d’un dispositif scénique dépouillé s’explique par la volonté de mettre en évidence le corps.

Un jeu de lumière particulier vient souligner chaque espace. L’utilisation de la vidéo optimise les phases d’introspection et de flash back de nos deux protagonistes. Elle est l’image de leurs rêves et de leurs cauchemars. La danse, la musique et le chant participent également à l’exploration des univers intérieurs de nos deux personnages.